vendredi 29 juillet 2011

Badly Drawn Grrrl achète une maison avec Monsieur Comique

"Félicitatiooooons ! ", crie le public, enthousiaste de me voir franchir un pas de plus vers l'absolue normalité, le degré zéro de la subversion des codes sociaux : vie en couple + hétéro + achat d'une maison.

Le public s'inquiéta au départ de ma/notre décision commune : la maison est-elle en bon état ? Les anciens propriétaires avaient-ils des enfants ? Une deuxième chambre existe réellement, oui, mais on s'empressera de la peindre en noir et d'y installer un atelier-bureau.
"Ooooooohhhhh !", soupire le public, incrédule. "Ils changeront d'avis", déclarent cependant certains éléments rebelles et pleins d'espoir.


Ceci dit, revenons-en à l'essentiel : le parcours d'achat d'un bien vu à la loupe féministe.




1- Parcours des banques

Qui dit crédit dit choix d'une banque auprès de laquelle s'endetter. Des visites s'imposent dans de nombreuses agences. La première annonçait le ton : nous sommes accueillis par Patrick Bateman un samedi matin. Le nous est de trop : ce cher Patrick ne daignera pas s'adresser à moi ou me regarder de temps en temps durant la conversation, comme on le fait pour reconnaître son interlocuteur en temps normal. Pour l'établissement d'un dossier de prise de contact, il ne demandera même pas mon nom : celui de M. suffit amplement à nous identifier. De toute façon, on n'a pas le profil : pas assez friqués, pas intéressés par les multiples formules de haute voltige financière pour lesquelles il s'emballe...



Du coup c'est moi qui vais prendre rendez-vous pour les banques. Ça les obligera au moins à me considérer comme partie intégrante du projet.


2- Notaire

Nous choisissons un notaire plus ou moins au hasard et rencontrons son assistante, à peine plus âgée que moi elle aussi. Pendant qu'elle déblatère son laïus juridique d'un ton professoral légèrement dédaigneux, je remarque également que, malgré le fait que je pose des questions, elle se tourne plus volontiers vers mon compagnon pour répondre. Ce n'est pas flagrant, mais bon, d'expérience...

Par la suite, je remarque que les fichiers qu'on m'envoie sont toujours notés "nom de monsieur - nom de madame". A la fin, ils sont simplement intitulés au nom de monsieur, c'est plus rapide hein.

3- Madame/Mademoiselle

Les dénominations officielles sont toujours "Mademoiselle" pour une femme non mariée et "Madame" pour une femme mariée.
Si vous exprimez votre souhait de vous voir appelée Madame sur un acte officiel, il faudra le répéter plusieurs fois sans vous lasser et sans vous vexer de la façon dont votre demande est traitée, c'est-à-dire sur le thème connu de la pauvre-idiote-qui-n-a-que-ça-à-demander-dans-sa-vie-pfft-yeux-au-ciel.

Première demande par mail. Réponse affirmative sur le ton précité : "Écoutez, si vous voulez vous faire appeler Madame ou Dark Vador, peu m'importe"...

Peu lui importe surtout d'effectuer la modification, ce qui me contraint à redemander, devant toutes les personnes présentes lors de la signature officielle, d'être dénommée Madame au lieu de Mademoiselle.

Regard incrédule du clerc en charge, qui balaie sa mémoire de cette question binaire durant quelques instants. Erreur système : "Mais vous n'êtes pas mariée ?". La mise à jour (en citant par exemple
la loi de 1993) ne sera finalement pas nécessaire, ni la justification. J'accepterai cela comme un progrès... J'ai donc l'honneur d'apparaître en dernier lieu sur un bout de papier officiel. D'abord l'ancien proprio, puis l'ancienne proprio, puis Monsieur Comique et enfin la petite jeune fille, là.

4 - Actes et courriers officiels :

Comme je ne suis jamais contente, je terminerai ce petit tour par le listing officiel des noms. Je suis ainsi toujours citée en second lieu. Plus sournois : je ne suis que co-emprunteuse et non emprunteuse principale, même si je paie la moitié du bien. Inutile de préciser que je n'ai pas décidé d'être co-emprunteuse, personne ne m'a demandé notre avis.
Par conséquent, les courriers officiels de toute sorte (assurances diverses, etc.) ne me sont pas adressés même si je paie également 50 % de ces sommes.
Je dois faire face à la réaction légèrement étonnée de ma banquière lorsque je lui fais part de ces faits symboliquement énervants. Prochaine étape : le courrier au département clientèle. On verra...

En attendant, je déconstruis les rôles : c'est moi qui apprends à bricoler. Mon compagnon n'apprend pas à décorer, c'est bien dommage pour l'esthétique générale de nos murs. Enfin...