jeudi 7 mai 2009

GI's : violées de l'intérieur

C'est le titre d'un reportage d'Envoyé Spécial sur les viols des femmes GI's, qui a été diffusé en octobre 2008. La journaliste, Pascale Bourgaux, a récemment reçu un prix pour ce travail.

On peut le visionner ici : partie 1 et partie 2.

Le reportage suit quelques femmes soldates ou ex-soldates témoignant à visage découvert, qui ont subi viols, agressions et harcèlements de la part de collègues ou supérieurs, au cours de leurs missions, en Irak notamment. Certaines ont déserté (et se sont retrouvées en prison) ou ont quitté l'armée suite à ce qu'elles ont vécu, puisque le problème n'est manifestement pas pris au sérieux en haut-lieu : pas de poursuites, agresseurs en liberté, blâme des victimes pour ce qui leur est arrivé, politique du silence voire négation des crimes dans les rapports (une des soldates a en effet été retrouvée morte après avoir dénoncé son violeur ; cause avancée : un suicide). L'armée étant ce qu'elle est, il n'y a en outre quasiment aucune chance de voir les agresseurs jugés pour leurs actes. La vidéo se termine par un extrait dans lequel une soldate se résigne à se mettre sous la protection de son mari, lui aussi réserviste, si elle a la possibilité de poursuivre sa carrière.
Selon les statistiques données dans le reportage, les femmes qui entrent dans l'armée ont 2 fois plus de risques d'être agressées sexuellement que dans la vie civile.

Ce sujet mériterait une forme documentaire, plus longue, car le reportage brosse la situation en à peine 20-25 minutes.
En guise d'élément supplémentaire permettant d'évoquer l'ambiance ultra-viriliste (et ultra-décérébrée) qui peut régner dans ce milieu, je me suis rappelée d'un docu plutôt désespérant intitulé La Section White dont les femmes GI's sont tout à fait absentes. En voici quelques éléments :

Tout au long de ce documentaire-reportage, le spectateur suit, de l'arrivée au retour c'est-à-dire un an, le travail d'une division de l'armée US en Iraq. Composée d'une dizaine d'hommes (pas de soldates dans cette unité apparemment), cette division de la cavalerie (je recopie...) a pour mission de sécuriser un quartier de Bagdad.

On assiste à de nombreuses interviews des différents militaires présents et à leur travail sur le terrain puisque la propagande de guerre consiste à emmener les journalistes avec l'armée alliée, en les faisant loger au sein même des bases américaines - le reste du territoire étant trop dangereux.

Première constatation : le discours des soldats au début, fiers, patriotes à l'extrême, convaincus de faire l'Histoire, d'apporter le bien et la démocratie, de reconstruire un pays, d'aider la population irakienne en détresse un an après le début de la guerre (nous sommes en 2004). C'est le lancement de l'opération nommée Operation Free Iraq II. On y croit tous bien fort.

Ces soldats, au libre-arbitre totalement annihilé à coups d'entraînement militaire et de propagande officielle, correspondent aux clichés les plus éculés, c'est "Full Metal Jacket" en vrai, sauf qu'on n'est plus au Vietnam.
De l'étalage de playmates dans leurs chambres et sur leurs laptops au culte de la virilité la plus expansive, du sentiment de camaraderie exclusivement masculine à leur envie affichée de faire la guerre et de se battre parce que ça les excite, on se dit que le système militaro-patriarcal a encore de beaux jours devant lui et Hollywood de belles possibilités de scénarios.
C'est un affichage de chair humaine permanent : nue, siliconée, découpée en pièces de choix, gonflée aux anabolisants, puis calcinée, explosée, réelle, sanguinolente.

La première partie du film est insupportable, elle renforce un sentiment antiaméricain que beaucoup ici en Europe ont éprouvé depuis plusieurs années. Les soldats se comportent en colonisateurs, convaincus de faire le bien au sein d'une population d'incapables dont la culture leur semble méprisable car tellement éloignée des standards occidentaux. A chaque guerre son jaune.

Cependant, plus la mission avance avec son lot d'horreurs, d'attentats suicides, de lambeaux de chair humaine à ramasser et à photographier -pour son album personnel ?- plus on sent le désenchantement pointer son nez : finalement, les soldats ne font rien, ne reconstruisent rien -ce n'est "pas leur rôle", ne se battent pas alors que c'est pour cela qu'ils sont venus, s'ennuient comme des rats morts. On les plaindrait presque.

Le cynisme se fait de plus en plus présent aussi : critique des autorités militaires qui prolongent de force la mission de plusieurs mois, mensonges justifiant cette guerre, compréhension de l'hostilité de la population (condamnée à vivre depuis lors sur un territoire qui n'a même plus de réseau d'égouts), ... Une certaine clarté d'esprit qui étonne après ce que l'on a vu et entendu au début.

Et enfin, lorsque la libération ultime survient (extrait d'une interview d'un soldat : "je m'établirais à Bagdad si ça me permettait de quitter l'armée"), des constatations :
"Est-ce que tout cela m'atteint ? Non, ça ne m'atteint pas"
"Soldat, je ne sais faire que cela. Ça implique de devoir retourner en Irak..."
"C'était une bonne expérience"

Toute cette désillusion, toute cette rage contenue, toute cette clairvoyance et cet espoir de changement tout d'un coup envolés. Aucune rébellion, aucune démission, une expérience traumatique dont les responsabilités individuelles et collectives sont laissées à l'inconscient des cauchemars dans lesquels un soldat voit sa famille exploser à cause d'une voiture piégée...